Un modèle One size fits all pour toutes les banques

Les ratios Bâle I et II ont été élaborés par un comité regroupant les gouverneurs des banques centrales du G10, en liaison avec les acteurs du secteur de la finance. Bien que les conclusions du comité n'aient en théorie pas de valeur légale, elles ont de facto été transcrites dans le droit de la plupart des autorités de supervision bancaire dans le monde.

Ces ratios, dans leur dernière version, stipulent que les "fonds propres" des banques doivent représenter 8% de leurs actifs, "pondérés  des risques".  Tous ces guillemets méritent bien quelques explications.

Les "fonds propres" en  question ne représentent pas que les capitaux propres, mais la somme de ces capitaux, dénommés « TIER 1 », et ce que l'on appelle le volet TIER 2, dont la composition peut être variable d’un état à l’autre, mais qui en France et dans la plupart des pays occidentaux concerne essentiellement les "dettes subordonnées", autrement dit les dettes dont le remboursement est subordonné au remboursement de toutes les autres dettes. De ce fait, les directions financières les considèrent comme du "quasi-capital". 

Les capitaux propres des banques proprement dits ne sont pas soumis à un ratio particulier, mais certains superviseurs nationaux comme la FDIC américaine imposent un minimum de 3%, voire 4% si l'actif de la banque présente certains profils de risque. Faut-il y voir une dérive de la "créativité comptable" ? Certains dénoncent une convention qui consiste à assimiler de la dette à du capital, au motif que le créancier prend un risque intermédiaire entre celui du créancier "non subordonné" et celui de l'actionnaire. La dette subordonnée n'en reste pas moins remboursable et doit être considérée comme telle au bilan !

La norme impose en outre que ces fonds propres soient calculés à partir d'un actif "pondéré du risque". Autrement dit, plus un actif est considéré comme risqué, et plus l'exigence de fonds propres est augmentée selon des coefficients fixés une fois pour toute de façon rigide et arbitraire, édictés par la banque des règlements internationaux.(2)

Ces coefficients dépendent de la notation émise par les agences agréées au niveau mondial, donc, en fait, par la SEC américaine, (S&P, Moody's, Fitch, principalement), sur les produits émis par les institutions financières.

Pour prendre un exemple, une banque dont tous les actifs auraient une pondération de 0 devrait posséder 8% de « fonds propres » TIER1 + TIER 2. Mais, depuis les accords de Bâle II, si elle détient dans son actif 5% titres dont la notation justifie un ratio de 0.20, alors elle devra augmenter ses fonds propres TIER 1 et 2 de 1% (5% X 0.2), soit un total de 9%.

Malgré cette disposition de sécurité, le ratio de fonds propres "pondéré" retenu par les accords de Bâle est caractéristique d'un modèle économique à très fort effet de levier ("leverage"), c'est à dire à très fort niveau d'endettement, synonyme de risque de faillite élevé en cas de tempête conjoncturelle, telle que celle que nous vivons.

Autrement dit, toutes les banques se sont vu imposer un business model extrêmement leveragé encadré par les mêmes normes inflexibles, et leur actif est pondéré par des coefficients dont le manque de progressivité induit des effets de seuil pouvant forcer les banques à des ajustements très rapides de leurs niveaux de fonds propres.

Conséquences de l’adoption des normes de Bâle

La première conséquence de l'encadrement de l'activité des banques par le ratio de Bâle II est de réduire la capacité réelle d'analyse des risques pris par les banques. En effet, le respect du ratio, critère « binaire », vient se substituer à l'analyse fine des risques contenus dans le portefeuille d'actifs d'une banque. Et surtout, l'application de ratios technocratiques à l'actif détenu par la banque donne à croire que le ratio prend en compte correctement le risque intrinsèque à chaque classe d'actifs et donne indûment à croire aux investisseurs qu’ils peuvent se dégager d’une analyse plus fine des risques de portefeuille des banques cible : les ratios de Bâle offrent une prime à la paresse intellectuelle.

Par conséquent, la réglementation tend à gommer la perception des différences qualitatives entre les portefeuilles de créances et d'investissement des banques. Aussi les prêteurs sont ils moins à même de faire la différence entre "bonnes" et "mauvaises" expositions au risque, et donc de moduler le taux auquel ils acceptent de prêter aux banques en fonction des risques réels figurant au bilan. 

Bref, l'application des accords de Bâle comporte, de par son principe, un mécanisme entrainant une sous-estimation des risques encourus par les banques. Encore un mécanisme auto-correcteur des marchés délibérément endommagé par une réglementation étatique inadéquate.

Bâle II et l'explosion des produits dérivés

Ce phénomène déjà néfaste en lui même a été amplifié par un second aspect (3) : Bâle I et II (et les réglementations similaires en vigueur dans l'assurance) ont fortement augmenté l'incitation, pour les banques, à garnir leur portefeuille d'actifs de produits dérivés permettant de "transformer" – il faudrait plutôt dire "déguiser" --  un actif apparemment risqué (comme une collection de  prêts "subprime", qui serait à la base mal notée) en une collection d'obligations de niveau de risque différent, dont une majorité notée « AAA » ou similaire que les banques pourront acheter sans être pénalisées au niveau de leur capital.

Pour les banques, posséder des "tranches" AAA est important: en effet, l'étude des ratios réglementaires (4) montre qu'une perte d'un niveau de notation sur une classe d'actifs peut augmenter mécaniquement l'exigence de fonds propres des banques concernées de plus de 20 ou 30% du total des actifs considérés. Lorsque le total du bilan d’une banque dépasse mille milliards d’Euros, 1% de fonds propres supplémentaires supposent soit de recomposer le passif par plus ou moins 10 milliards de fonds propres supplémentaires, soit de réduire le total du bilan dans des proportions tout aussi importantes. L’on conçoit que les investisseurs cherchent à éviter de trop fréquents mouvements de recomposition de leur bilan d’une telle ampleur.

La distorsion fiscale en faveur de la dette

En outre, la détention de fonds propres élevés est, dans toutes les économies occidentales, pénalisée fiscalement par rapport à la détention de dettes: les intérêts versés aux créanciers sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, alors que les dividendes versés aux actionnaires ne le sont pas. Sans cette distorsion fiscale flagrante, le recours à des taux de levier importants serait bien moins justifié, comme le montre une analyse de R.D. Cohen (5), de la banque Citigroup, inspirée par les travaux des prix Nobel d'économie Modigliani et Miller (6),  et dont les attendus sont énoncés ainsi :

1. En l’absence de taxes (NdT. sur les sociétés), il n’y a aucun bénéfice, en terme de création de valeur, à augmenter l’effet de levier.

2. En présence de telles taxes, de tels bénéfices apparaissent et s’accroissent du fait du bouclier fiscal (Ndt. Sur les intérêts de la dette), lorsqu’un effet de levier est introduit ou augmenté.

Le système fiscal actuel tend donc à inciter les banques à maintenir un ratio de fonds propres obligatoires aussi bas que possible afin de maximiser les profits après impôts.

Par conséquent, obtenir une note élevée pour ses actifs est essentiel pour une banque – Et également pour un assureur – afin de maintenir le ratio TIER1 +TIER2 aussi près que possible de sa valeur plancher. 

Pourquoi les dérivés ont-ils pris une telle ampleur ?

Or, deuxième difficulté, une banque ou un assureur ne peuvent pas se contenter d'offrir des produits notés AAA "bruts", car alors le rendement qu'ils offriraient à leurs investisseurs serait trop proche de celui des obligations d'état et les rendrait inutiles sur le marché financier: pas besoin d'un banquier surpayé pour acheter des obligations du trésor allemand à l'époque d'internet !

Voilà pourquoi la mise au point de produits dérivés de plus en plus complexes a trouvé si facilement des débouchés auprès des investisseurs institutionnels. Les vendeurs de dérivés ont bâti des produits destinés à s’adapter à ces réglementations, certains diraient plutôt « contourner ». Ils ont packagé des fonds de placement qui dissimulaient la volatilité des prix pour certains types de risques en théorie proscrits. Ainsi l'investisseur pouvait-il être récompensé pour une prise de risque additionnelle, et le banquier être rémunéré pour son montage.

Les produits symbole de cette finance construite autour des notes d’agence sont les Collateralized Bonds Obligations (CBO), "Obligations collatéralisées par des obligations", ou leurs variantes « CDO » (D pour Debt), CMO (M pour Mortgage), etc…

Ces instruments dérivés sont créés en groupant des obligations de signature moyenne ou basse dans un "véhicule à usage spécial" (SPV), tels que les désormais trop célèbres « Mortgage Backed Securities » (MBS), lesquels émettent à leur tour au moins deux instruments obligataires, l'un "senior" à remboursement prioritaire et taux plus faible, l'autre "junior" à taux élevé mais risque de défaillance plus élevé. La tranche "sénior" obtient une note d’agence élevée du fait de l'effet amortisseur de la tranche "junior". Le coupon "junior", par exemple, absorbe les premiers 10% de pertes de tout le portefeuille, les bons "séniors" ne sont impactés que lorsque les pertes excèdent ce montant. Les obligations "junior" sont communément appelées les "Tranches Z", obligations à haut risque, adaptées seulement aux spéculateurs... Ou à certains gestionnaires de fonds publics incompétents, comme dans certains comtés de Californie.

A noter que le schéma ci-dessus est le plus « simple » qui soit. La plupart des MBS ont été découpées en trois tranches au lieu de deux, une tranche à rendement et à risque intermédiaire, dite « mezzanine », étant supposée amortir plus encore les risques de pertes pour la tranche « Sénior ».

Les CBO, CDO et produits assimilés ne sont qu'un exemple parmi d'autres d'outils financiers bâtis autour de la réglementation de notation du crédit. La plupart d'entre eux parviennent au même résultat: ils réduisent la fréquence des pertes, mais a contrario, ils en augmentent la sévérité. Ils s'écroulent rarement, mais quand cela arrive, cela produit souvent un immense désordre, comme le prouve la crise que nous vivons !

De fait, les tranches « Senior » des instruments packagés autour des notations d'agence sont moins risqués que le pool d'actifs qu'ils représentent mais bien plus risqués et surtout plus illiquides que les investissements directs autorisés auxquels ils se substituent. Résultat, ils versent un rendement plus élevé à l'investisseur que des produits AAA « primaires » tels que des bons du trésor, malgré des commissions bancaires plus élevées. Le "premium" peut couvrir ou ne pas couvrir suffisamment le risque associé, mais l'important est que ces titres obtiennent la sacro-sainte note d'agence exigée par le législateur. Ils sont ainsi, parfois, le seul véhicule d'investissement possible pour des portefeuilles encadrés par des règles de rating mais qui recherchent malgré tout un peu de rendement.

Ces transactions enrichissent surtout les banquiers d'affaires, mais réduisent les rendements corrigés du risque versés aux investisseurs, lesquels subissent donc un coût des contraintes réglementaires plus élevés que ceux qui, comme les Hedge funds, peuvent se permettre d'acheter directement des actifs ne recourant pas à ces techniques de titrisation, qui n'embarquent donc pas avec eux le coût du montage financier. Cela n’a pas empêché certains Hedge Funds de s’être imprudemment exposé aux tranches « Z », qui offraient un rendement nominal plus élevé que les actifs bruts ayant servi à les composer.

Le premier résultat de toute cette ingénierie financière est qu'une obligation ou un prêt immobilier qui rémunère un prêteur à 6% -- par exemple -- en tant que véhicule d'investissement direct, va offrir une rémunération "moyenne" inférieure aux investisseurs qui achètent des CDOs dérivées de ces obligations ou de ces crédits. Or, si l'ingénierie financière nécessaire à l'émission de produits dérivés "à tranches" prélève, admettons, 0,5% de marge d'intermédiation, alors la rémunération globale du pool d'obligations à risque tombe à 5,5%. Et quoi qu'en disent les concepteurs des formules mathématiques qui nous expliquent que le modèle économique de la titrisation est scientifiquement validé, le risque représenté par un actif est moins bien couvert à 5,5% qu'à 6%, car tout taux d'intérêt demandé à un emprunteur se doit de comprendre une marge de sécurité représentative du risque de défaut de paiement de l'emprunteur en question. Plus la marge de sécurité est faible, moins le risque est couvert.

Le second résultat est que ces produits dérivés éloignent l'investisseur de la connaissance du véhicule d'investissement direct qui le composent, et donc rendent difficile l'évaluation du risque réel sous-jacent, voire même la valeur réelle du produit dérivé lorsque les défaillances d'emprunteurs individuels dont les prêts composent le fond se multiplient, comme cela est le cas actuellement.

Par conséquent, il est facile de reprocher aux investisseurs institutionnels de s'en être remis aveuglément aux agences de notation pour évaluer leurs actifs. Mais comment  auraient-ils pu faire autrement ? Même les banques d'affaires qui émettent les produits dérivés en question, parfois eux même composés d'autres produits dérivés (des dérivés de dérivés, donc…), sont incapables de lister les investissements directs contenus dans ledit produit dérivé ! Le résultat est que toute incertitude sur la valeur de ces produits provoque une chute de leur valeur, et rend extrêmement difficile leur « liquidation ligne par ligne » en cas de faillite de leur détenteur. L’origine du risque systémique actuellement encouru par le système financier dans son ensemble se trouve là.

Agences de notation : un oligopole paresseux, juge et partie ?

Nous avons entrevu le rôle tout à fait central des agences de notation dans la mise en œuvre des stratégies d’investissement des établissements financiers. Ces agences sont elles exemptes de reproche ? Certainement pas, comme en témoignent les nombreuses faillites d’établissements pourtant notés AAA quelques mois auparavant. Là encore, l’origine de la défaillance de ces agences peut être en grande partie attribuée à des interventions étatiques mal conçues.

En effet, pour être agence de notation agréée aux USA, et donc pouvoir viser le marché mondial, il faut obtenir un statut spécial délivré par la SEC, organe du gouvernement.  Ironie du sort, c'est donc la SEC qui a indirectement instauré cet oligopole de fait. Elle a en effet accordé un statut spécial aux agences en 1975 après qu'elle leur eut confié l'analyse crédit des titres des banques et des courtiers pour déterminer leurs charges en capital.

De fait, ce statut de NRSRO (Nationally Recognized Statistical Rating Organization) conféré par l'état est désormais devenu incontournable pour les investisseurs et les émetteurs. 7 licences furent accordées depuis 1975, et les fusions acquisitions ont réduit le nombre d'agences à 3. Mais ce n'est pas tout. En rendant obligatoire l'usage des notations des agences agréées pour codifier l'actif détenu par les banques, les législateurs qui ont intégré les accords de Bâle dans leur droit ont  de fait transformé ces trois agences en monopole indéboulonnable.

En effet, au lieu de permettre à des nouveaux entrants de remettre en cause la routine des agences établies, l'état conforte leur monopole en rendant obligatoire l'usage de leurs notes dans l'évaluation des portefeuilles des principaux acteurs de la finance, et n'accorde de nouvelles licences qu'à des nouvelles agences ayant pu faire leurs preuves, ce qui est quasi impossible puisque personne n'a intérêt à payer des agences de notation non agréées pour l'évaluation des actifs détenus... Pour pouvoir faire ses preuves, une agence doit être agréée. Pour être agréée, elle doit avoir fait ses preuves !

Il en résulte que de nombreux témoins affirment publiquement que les agences de notation sont devenues routinières, paresseuses, et ont étudié de façon très superficielles certains produits financiers pourtant notés AAA ou AA+, au motif que l'émetteur de ces produits avait une réputation qui se suffisait à elle même...

Ce n'est pas tout. Les grandes banques émettrices de CBO ou CDO ont pris pour habitude de consulter en amont les agences de notation pour déterminer comment composer un pool de produits plus ou moins risqués et comment le découper en tranches "sénior", « mezzanine » et "junior" afin de permettre aux tranches sénior d'obtenir une note maximale. Autrement dit, les agences de notation, en prodiguant des conseils d'ingénierie financière, sont devenues juge et partie... On peut se demander dans quelle mesure elles ont sciemment enjolivé la note de certains produits à risque pour vendre ces prestations de conseil.

Comment Bâle I et II ont ils été élaborés ?

A la décharge du comité de Bâle, l'on peut comprendre la préoccupation de mettre en place un niveau plancher de fonds propres, puisque la dette est avantagée fiscalement par rapport au capital. En effet, si un fort effet de levier permet d'accroître la rentabilité nette des fonds propres, c’est en contrepartie d'un risque de défaut plus élevé à échéance de la dette.

Une telle conjonction peut pousser certains CEO de grandes banques, peu ou pas actionnaires de leur entreprise, sans gros actionnaire pour leur opposer un réel contre-pouvoir, à privilégier un niveau de risque élevé, et à se verser de gros bonus tant que le risque paie, surtout si l'ardoise finale peut être laissée au contribuable. Certains ne s’en sont d’ailleurs pas privés.

Dans un tel contexte, imposer un niveau de fonds propres minimum a du sens. L'inconvénient est que le niveau fixé, au lieu d'être un minimum, devient la norme: si le niveau des fonds propres a été mal déterminé au départ, compte tenu de la variation des conditions de marché futures, alors cette fragilité devient la norme !

Or rien ne dit que le niveau de fonds propres retenu ne soit "le bon niveau" à tout instant de la vie des banques : on se heurte là au double problème classique de la bonne définition de l’état zéro d’une norme législative et de la rigidité des outils normatifs empêchant leur évolution dans le temps.

Pourquoi 8% ? Pourquoi inclure la dette subordonnée dans la définition des fonds propres ? Pourquoi figer une fois pour toutes le niveau de risque représenté par telle ou telle classe d'actif ?

On me rétorquera que le comité de Bâle s'est appuyé sur les professionnels pour élaborer ces ratios. Cela est rigoureusement exact, sauf que lorsque mille banquiers sont censés exprimer un avis, y a-t-il la moindre probabilité pour qu’ils arrivent à un consensus ? Ou alors est-il probable que les meilleurs lobbyistes convaincront les représentants des banques centrales à privilégier des modèles convenant à un type de banque au détriment des autres ? Tout porte à croire que les banques les plus leveragées ont fait prévaloir leur point de vue sur les autres...

En outre, comment éviter que les coefficients arbitrairement fixés, quand bien même ils seraient pertinents à un moment donné, ne soient obsolètes 10 ans plus tard ? Les conditions de marché évoluent sans cesse, comment les conditions de fonds propres attachées à chaque classe d'actif pourraient elles être gravées dans le marbre ?

En finir avec les accords de Bâle : Pour une réforme conjointe de la réglementation et de la fiscalité bancaire qui oblige les acteurs de marché à penser par eux mêmes

A la lueur de ce qui précède, se dessine la direction que devrait prendre la réglementation bancaire. Il ne faut pas, comme l'on l'entend un peu partout, "plus de règles", car l'efficacité d'une règle ne se juge pas au poids du papier qui sert à l'écrire.

Il faut des règles différentes dans leur philosophie, qui favorisent l'adaptation des acteurs de marché, et notamment ceux qui prêtent de l'argent, au niveau de risque réel pris par les banques.

La réglementation des banques doit donc arrêter toute référence à un niveau de fonds propres obligatoires, et toute référence à des ratios arbitraires de valorisation du portefeuille d'actif. En contrepartie, elle doit explicitement contraindre les acteurs de la finance à révéler non seulement la composition de leurs portefeuilles d'actifs, mais aussi la composition des produits composés (# dérivés) en "véhicules d'investissement primaires", autrement dit, en prêts à intérêts, en actions, en obligations, en pierre, en or, ou que sais-je encore, pourvu que ce placement soit bien celui qui produise de la valeur, et non une capsule de plusieurs de ces placements.

A partir de là, c'est à chaque investisseur de se faire une idée de la valeur du portefeuille, et de la pertinence qu'il y a à investir dans une banque, un fonds, une assurance, etc..., en capital, ou en souscrivant à ses emprunts, et à déterminer le taux auquel il est disposé à prêter son argent en fonction de sa propre évaluation des risques disséminés dans le portefeuille de la banque.

C'est difficile ? Peut être, mais pourquoi faire perdurer l'illusion que des rendements attractifs peuvent être obtenus sans que soient consentis un minimum d'efforts d’analyse ? Les critères de type « Binaire » tels que définis par Bâle I et II constituent une prime à la paresse intellectuelle des plus mauvais acteurs de marché.

Dans un cadre réglementaire ainsi rénové, chaque investisseur devrait avoir recours à un organisme d'évaluation s'il ne peut faire ce travail lui même. L'évaluation n'ayant plus de valeur réglementaire, le marché de l'évaluation ne serait plus verrouillé par des agences de notation qui ont perdu la main, et de nouveaux entrants pourraient venir bousculer la hiérarchie établie. Il est probable que les assureurs ou les assureurs crédit, dont l'évaluation des risques est le métier, pourraient introduire une saine concurrence dans ce domaine.

De plus, l'attrait pour les produits de titrisation de créances (CDO, CBO, etc...) devrait être considérablement amoindri. Certes, il ne s'agit pas d'interdire les produits dérivés, mais de faire en sorte que leur part de marché reste celle de niches destinées à répondre à des besoins bien précis, comme par exemple la diversification des risques géographiques. Toutefois, les produits dérivés mis sur le marché ainsi rénové resteraient simples (un seul niveau de dérivation  grand maximum, peu de recours au système des tranches) car personne n'aurait intérêt à payer une ingénierie financière complexe dont le seul but était de créer une illusion sur la solidité réelle des actifs encapsulés pour donner aux banques le droit de les posséder sans pénalité au niveau de leur capital.

De fait, si une banque avait, dans un tel système, possédé trop de prêts dits « subprimes », elle n'aurait pas pu le dissimuler, ni même l'ignorer ! Elle aurait vu le taux demandé par ses financiers augmenter dès que les premières inquiétudes se seraient matérialisées sur la solvabilité des prêteurs. Il est probable que les premiers coups de semonce, voire la première faillite de petit établissement surexposé aux mauvais crédits, auraient contraints d'urgence les gestionnaires d'actifs à limiter leur exposition à ce type de produit, ce qui aurait grandement réduit la taille de la bulle immobilière. En outre, la revente de ces actifs « pourris » à des fonds à risque tels que celui d’un John Paulson, pour assainir les bilans des banques fragilisées, aurait été facilitée, du fait de la transparence des placements opérés par les banques. La « purge » des mauvais investissements du système financier par des acteurs privés en aurait été grandement facilitée, rendant inutile toute intervention ultérieure de l'état, et donc toute nouvelle ponction sur le contribuable.

Pour une transition d’une société de la dette à une société du capital

Pour qu'un tel système fonctionne, nous l'avons vu, il faut en finir avec la distorsion fiscale opérée entre dette et capital: pas plus que les dividendes versés aux actionnaires, les intérêts versés aux créanciers ne doivent être déductibles de la base imposable des entreprises en général, et des banques en particulier. En contrepartie de cet élargissement d'assiette, le taux d'imposition sur les sociétés doit être fortement réduit, et ni les dividendes, ni les intérêts, ne doivent subir de seconde taxation en arrivant dans le portefeuille du particulier. Ainsi, celui ci décidera en toute connaissance de cause s'il choisira d'investir son épargne en capital ou de prêter son argent à des entreprises, en modulant l'intérêt demandé en fonction des risques pris par l'institution émettrice de la dette.

Naturellement, les banques étant très fortement leveragées aujourd'hui, la transition du régime de taxation actuel à celui qui est proposé ici serait  à étudier avec soin, peut être sur plusieurs années. Mais une telle disposition est de nature à replacer la saine formation de capital  au centre des stratégies d'entreprises, notamment financières.

Ainsi, la recherche d'effets de levier maximaux n'aurait plus lieu d'être, puisque la distorsion fiscale ne viendrait plus perturber le choix des entreprises comme des investisseurs. En outre, certaines banques pourraient utiliser leur niveau élevé  de véritables capitaux propres comme un argument commercial pour attirer de nouvelles clientèles. Pourquoi ne pas, d'ailleurs, obliger une banque à faire figurer son ratio "fonds propres/ Total du bilan" des derniers comptes certifiés sur toute documentation à caractère commercial ?

Retourner aux bases du fonctionnement d’un marché libre

Une telle réglementation, légère, facile à comprendre par tous, peu coûteuse, aurait pour effet de laisser le marché élaborer seul, par approximations successives, le coût des ressources utilisées par une banque en fonction des risques auxquels elle choisit de s'exposer, et de son niveau de recours à l’effet de levier.

En outre, le rôle de l'état régulateur serait ici strictement limité à son pouvoir régalien, celui de s'assurer de la transparence et de l'honnêteté des informations délivrées par les banques, de trancher les litiges, et de sanctionner les manquements à ces principes de base. L'exemple des insuffisances de la SEC ou du trésor dans diverses affaires récentes (Madoff, banques d'affaires, Fannie et Freddie...) montre que lorsque l'état veut imposer à ses agences  à la fois un rôle régalien et des objectifs politiques interventionnistes, la fonction régalienne pâtit de la seconde, l'Etat ne pouvant être à la fois juge et partie.

Une telle réglementation réduirait sans aucun doute le risque systémique, car elle créerait de meilleures incitations à la détention de fonds propres élevés, et éviterait que toutes les banques ne présentent des profils trop proches les unes des autres par la faute de la réglementation, ce qui est dangereux lorsque le profil fixé par ladite réglementation se révèle trop fragile... Dans tout écosystème, c'est la diversité qui garantit le mieux la survie.

Quelles que soient leurs compétences, les experts du comité de Bâle doivent admettre qu'ils ne sont pas les mieux placés pour expliquer à chaque banque dans le monde la meilleure façon d'exercer ce métier ! C'est aux mécanismes de marché, pourvu qu'on les laisse fonctionner sans y mêler des règles étatiques qui tendent à les détraquer (7), de récompenser les meilleures et de forcer les moins fiables à s'améliorer ou à disparaître, et ce sont ces mêmes mécanismes de marché qui sont à même de déclencher les crises dues à de mauvaises décisions suffisamment tôt pour qu'elles restent limitées dans leur étendue et ne créent pas de risque systémique socialement et politiquement inacceptable.

© Vincent BENARD, 2009

Source: Institut TURGOT

http://blog.turgot.org/index.php?post/...les-accords-de-Bâle...

Autre lien:

http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.htm

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Crise des Dettes Souveraines de l'Europe:

L'Allemagne continue de faire des dégâts

Article publié le: 09 août 2011 /site: Obliginvest.com

Alors que la dégradation de la notation de crédit des Etats-Unis a provoqué une véritable tempête sur les marchés, les portes paroles allemands continuent de jeter de l'huile sur le feu de ce côté de l'Atlantique. Un porte-parole du gouvernement d'Angela Merkel a indiqué qu’il n’était pas prévu d’augmenter la taille du FESF et que Mme Merkel n’allait pas interrompre ses vacances.

L'Allemagne, malgré l'état d'urgence, conserve un ton très dur. Le porte-parole a ainsi estimé que les achats de titres de la BCE ne seront pas transférés ensuite au FESF. Ce qui fait craindre au marché que la BCE ne puisse pas intervenir de manière suffisament importante et durable.

Néanmoins, les taux à 10 ans italiens et espagnols se sont fortement détendus avec des baisses de plus de 80bp.

 

Mais cela ne suffit pas à arrêter la dégringolade des bourses. C'est que les marchés ne sont pas convaincus de la volonté (ou de la capacité) de la BCE d’acheter massivement de la dette de ces 2 pays sur le secondaire.

 

Surtout, les investisseurs ont bien compris que ce n'était qu'une solution temporaire. La BCE, en achetant des obligations souveraines, permet aux banques de s'en tirer à bon compte. Mais à plus long terme cela ne constitue pas une garantie que les pays s'en sortent. En effet, les achats d'obligations greques, portugaises et irlandaises n’ont pas empêché les taux de ces pays de monter... le marché l'a bien compris.

 

Hier, la BCE a indiqué qu’elle n’avait pas pris livraison d’achats de titres souverains. Cela est tout à fait normal, puisqu'il se passe plusieurs jours entre le réglement et la livraison des titres. Le prochain rapport hebdomadaire du SMP, lundi prochain, sera plus instructif. Il permettra de jauger l’ampleur des achats de la Banque Centrale. Selon des sources de marché, la BCE aurait acheté pour plusieurs milliards d’euros d’obligations hier.

 

Enfin, la France de son côté commence à sentir la pression monter. Le CDS français à 5 ans monte de +15bp à 160bp. Ce qui signifie que les investisseurs pensent que le pays est de plus en plus risqué. En effet, la France est perçue par beaucoup comme le prochain pays à pouvoir sortir du club des nations notées AAA.

 

Source:

www.obliginvest.com/.../crise-des-dettes-souveraines-en-eur...

 

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Dettes souveraines : vers l’heure de vérité.

Quelles solutions ?

 

Il n'est plus possible d'essayer de cacher la crise européenne sous le tapis : la situation des dettes souveraines de la Grèce est désespérée, et celle de l'Irlande et du Portugal ne vaut guère mieux. Et certains acteurs de marché deviennent nerveux à l'évocation de l'Espagne et de l'Italie. Que devrait décider l'Europe lors de son tout prochain sommet, pour se sortir de ce bourbier ?

Quand le scénario du pire devient tout à coup très proche...

Quel serait le "scénario du pire" si un défaut grec "en désordre" venait à se produire ?

Cela laisse craindre un nouveau krach bancaire : Faute de transparence suffisante des banques sur leur exposition à ces dettes soudainement devenues toxiques (montant, maturité), le crédit interbancaire risque à nouveau de se bloquer, les banques cessant de se faire confiance entre elles, menaçant les établissements les plus fragiles. Dans cette situation, les consommateurs repasseront en mode "ralenti", comme en octobre 2008, causant une véritable panique chez les petits industriels. Seul souci, et de taille : les inévitables annonces de plan de sauvetage des banques par les états ne seront plus crédibles, puisque la faillite proviendrait cette fois de l'incapacité de certains états à se refinancer, et poserait donc la question de la solvabilité des autres états. Une contagion péninsulaire (ibérique et transalpine) serait donc tout à fait envisageable. Et plus rien ne s'opposerait alors à ce que tout le système bancaire européen s'écroule.

Des "bank runs" en grande série seraient donc à craindre, avec blocage des cartes de crédit et autres joyeusetés. Je vous laisse imaginer le trouble à l'ordre public qui en résulterait dans les pays où les foules sont traditionnellement les plus enclines à perdre leur calme.

La seule nouvelle sinon rassurante, du moins pas trop angoissante, est que jamais les grandes entreprises, très prévoyantes, n'ont eu autant de trésorerie. Elles pourront faire le dos rond pendant 3 à 6 mois. Mais pour les PME, ce sera une autre paire de manches.

Enfin, et surtout, la grande nouveauté de cette année est que ce scénario du pire cesse d'être un mauvais roman de science-fiction, mais devient l'un des plus probables, sauf décisions urgentes de nos dirigeants, suivies d'une mise en oeuvre précise et sans faille.

 Des décisions urgentes, mais pas n'importe lesquelles

La question n'est pas de savoir si la dette grecque sera "reprofilée", "rééchelonnée", "restructurée en douceur" ou "massacrée à la tronçonneuse", selon les humeurs sémantiques de Jean Claude Juncker. La dernière option est la seule viable, la Grèce ne pouvant tout simplement plus se financer aux taux de marché actuels. Il faudra réduire le principal de cette dette, quoiqu'il arrive, et sans doute pas qu'un petit peu. Or, de nombreuses grandes banques européennes sont assez exposées à la dette grecque. Pire encore, si un défaut grec produit une réaction en chaine comme celle décrite précédemment, alors aucune banque européenne n'aura assez de fonds propres pour rester solvable.

La question est de savoir comment faire pour que ce défaut crée des dommages limités à l'environnement économique. Par analogie avec un accident nucléaire, les enceintes de confinement actuelles sont insuffisantes, peut-on les renforcer, et vite ?

L'objectif des mesures doit être d'empêcher que les particuliers et les entreprises "normales" qui possèdent des comptes en banque, et qui ne sont EN RIEN RESPONSABLES des turpitudes des banques et des états, puissent CONTINUER leurs opérations.

Processus de dégonflement ordonné de la bulle de dettes

Le mécanisme qui permettrait de parvenir à ce résultat, longuement défendu par de nombreux économistes serait en quelques mots, le suivant :

- (1) Les pertes sur obligations souveraines, et toute perte collatérale de portefeuille des banques, devraient faire l'objet d'une déclaration quasi-immédiate dans les comptes auprès des banques nationales, qui sont encore, par délégation de la BCE, régulatrices des secteurs bancaires des états de l'union. TOUT MANQUEMENT A CETTE OBLIGATION DE MARK TO MARKET entraînerait de facto la responsabilité des dirigeants des banques fautives sur leur patrimoine personnel pour toute perte ultérieure.

- (2) Toute impossibilité de coter une classe d'actif par excès d'incertitude ("crise de liquidité") doit être traitée en Mark to Market de la même façon.

- (3) Dès que les pertes ainsi enregistrées entraînent une insolvabilité de la banque (actifs < dettes), la banque serait mise en redressement, un mandataire judiciaire nommé, et un mécanisme automatique (en un week-end) de conversion des dettes financières en fonds propres serait mis en oeuvre, selon la progression suivante :

- (3a) Tout d'abord, conversion forcée des dettes dites "subordonnées", considérées comme du quasi capital par les législations en vigueur et par les ratios de Bâle.
- (3b) puis, si les pertes à l'actif sont trop élevées pour que cela suffise, conversion des dettes non subordonnées à plus de 5 ans
- (3c, d, e...) puis, si cela ne suffit toujours pas, conversion des dettes de 2 à 5 ans, puis 1 à deux ans, etc...

En procédant ainsi, on limite le volume des disruptions de cash vers les créanciers impactés, ceux-ci devant évidemment, de façon itérative, reporter les pertes inhérentes à ces "échanges dette-capital" de façon immédiate, cf. étape 1.

De cette façon, la dette de la banque diminue et les sorties de cash liées au versement d'intérêts sont stoppées, permettant à la trésorerie de la banque de se redresser.

- (4) Ce n'est que si la situation de la banque est encore plus mauvaise que les comptes en banque commenceront à être touchés également, forçant la garantie publique à entrer en jeu (en son absence, la fraction des comptes non remboursable serait-elle aussi convertie en parts du capital - question purement théorique en l'état actuel). Mais avant que les pertes à l'actif n'atteignent la somme des fonds propres et de l'ensemble des dettes financières des banques, il faudrait que les pertes sur actif soient considérables. Dans le dispositif proposé, la protection des comptes est effective sauf authentique cataclysme, que le mécanisme cherche justement à éviter.

- (5) Les créanciers devenant actionnaires, le mandataire réunirait d'urgence un nouveau conseil d'administration avec les représentants de la banque centrale. Ce conseil devrait très vite déterminer si la nouvelle structure de capital est viable, après application de l'étape 3.a, puis 3.b etc...

- (6) Si la réponse à la question (5) est "non", les déposants doivent être informés que leurs comptes, qui sont garantis en partie par les états (situation regrettable, mais c'est comme ça, le temps n'est plus à la philosophie ou à la théorie...), seront gérés pendant 6 mois par la banque de France avec moyens de paiement minimaux (billets - virements simples) et que dans ce délai, ils devront indiquer un nouvel établissement vers lequel transférer leurs avoirs. La banque centrale sera quant à elle chargée de transférer les bons actifs correspondants vers les banques récipiendaires, et de liquider les plus mauvais en espérant limiter les pertes.

Cette solution a été notamment mis en oeuvre par la Serbie au tournant du millénaire quand les plus grosses banques du pays, très mal gérées au sortir d'une crise très grave, sont tombées.

- (7) Si la réponse à la question (5) est "oui", les nouveaux actionnaires auront à coeur de gérer très rigoureusement la nouvelle banque restructurée, pour d'une part espérer récupérer leurs billes en revalorisant les actions de leur banque tombées au plus bas, et d'autre part pour éviter que, ne se retrouvant face à l'étape 1 et 2, la clause de responsabilité personnelle ne vienne s'appliquer à eux-mêmes.

Clause de sauvegarde

S'il s'avère que la clause numéro (2), dépréciation des actifs "par incapacité temporaire de procéder à leur cotation", ait été trop sévèrement appliquée, et que leur revente permette de récupérer une plus-value qui aurait pu permettre d'éviter la restructuration (cela fait beaucoup de "si", rendant ce cas assez improbable), les anciens actionnaires lésés par la mise en faillite pourront récupérer la plus-value ainsi réalisée à titre de dédommagement. Ces procédures, plus longues, seront gérées "à froid" par la justice, le calme étant revenu.

Cas des CDS et autres produits dérivés autour des dettes

Les émetteurs de produits dérivés (qui ne sont rien d'autres que des contrats à terme, donc exécutables dans le cadre du droit) qui ne seraient pas en mesure d'honorer leurs contrats assurant les dettes souveraines seraient placés dans la même situation d'échanges de dettes contre capital. Là encore, il conviendrait de protéger les détenteurs de contrats d'assurance "lambda" de l'éventuelle faillite d'un assureur qui se serait lancé dans la vente spéculative de naked CDS. Les détails du fonctionnement des compagnies d'assurance m'étant étrangers, je laisse à d'autres le soin de décrire plus en détail comment ce principe de faillite ordonnée pourrait être appliquée à cette profession.

Justification légale

Les échanges de dette contre capital sont un outil normal de résolution des faillites ordinaires. Mais leur mise en oeuvre prend du temps : il faut négocier entre actionnaires et créanciers. Or, en matière de faillite bancaire, le temps, généralement, manque, car l'on ne peut se permettre de geler les comptes... Ou de provoquer un "bank Run". D'où les propositions de swap pré-packagés sous la conduite des régulateurs publics.

La proposition qui précède a un gros inconvénient : elle n'est pas prévue par les lois actuelles de la plupart des pays de l'union, et s'apparenterait à une législation d'exception, ce qui n'est ni très démocratique, ni très libéral, j'en conviens.

Mais d'une part, les états se sont placés en situation de garantir à concurrence de certains montants les comptes en banque des agents économiques. C'est économiquement tout à fait regrettable, mais c'est comme ça, et de ce fait, ils sont donc fondés à agir pour éviter que cette garantie ne s'exerce au détriment du contribuable.

D'autre part, l'alternative, à savoir le scénario catastrophe du début de cet article, nécessiterait sans doute d'autres mesures d'exception bien moins désirables que celles-là, avec retour des bruits de bottes et couvre-feux.

Il faut donc qu'une telle mesure, prise au plan européen, fasse l'objet d'une procédure d'approbation parlementaire très rapide et d'une transcription quasi immédiate en droit local. Après quoi, une restructuration de la dette grecque pourra être envisagée bien plus sereinement.

Dans un deuxième temps, il conviendra, à froid, de réfléchir aux évolutions législatives plus pérennes afin de parfaire les angles d'une législation prise dans la précipitation par excès d'imprévoyance, et de repenser certaines lois directement à l'origine du désastre actuel, j'y reviendrai dans un article ultérieur.

Les oppositions

Les actionnaires actuels des banques, et leurs créanciers, dont les actionnaires sont souvent d'autres entreprises du monde financier, voient d'un très mauvais oeil une telle disposition légale qui porte en germe leur ruine par "wipe out" en cascade. Ils préfèreraient que les contribuables continuent de renflouer les trous que leur imprévoyance a creusés. Seul problème : la fiction de la solvabilité éternelle des états ne peut être maintenue, et le rôle d'un état "normal" devrait être de limiter la charge pesant sur les contribuables, pas de permettre leur spoliation infinie (et insoutenable) au profit des banquiers. Ils doivent payer pour leur impéritie, quitte à réclamer certaines compensations ultérieures par voie de justice si la "correction précipitée" va trop loin.

Le second point dur est la BCE, qui s'oppose à toute restructuration, si on en croit la presse. Pourquoi ? Elle a semble-t-il pris en pension tellement de dette grecque, en violation de ses statuts fondateurs, qu'elle est devenue une "bad bank" de fait. La conséquence d'une faillite grecque sur le bilan de la BCE est difficilement conceptualisable : cataclysme sur l'euro ? Ou monétisation à outrance des pertes menant à une explosion des taux d'intérêt par pression inflationniste ? Quelle que soit la voie choisie, elle est risquée. Cela méritera des développements ultérieurs.

Effets vertueux

Une fois le mécanisme en vigueur, les prêteurs considèreront que prêter aux grandes banques sera plus risqué, puisque le parapluie public aura disparu, et augmenteront leur prime de risque en conséquence. Cela équilibrera les coûts des ressources financières entre petites et grandes banques (aujourd'hui, l'avantage du parapluie public des Too Big To Fail est estimé à 0.5% minimum) et cela rééquilibrera les incitations des grandes banques vers des ratios de levier plus faibles, donc moins risqués.

L'on me répondra que cela forcera les banques à augmenter les taux d'intérêt qu'elles consentent à leurs clients. Mais ce serait une excellente chose, puisque cela supprimerait une subvention insidieuse (le parapluie public) à l'argent prêté et donc rendrait plus difficile le financement des investissements les plus médiocres, ceux qui, aujourd'hui, faute d'être remboursables, nous plongent dans la crise financière.

Vouloir cacher le vrai prix de l'argent aux investisseurs est le plus sûr chemin vers la ruine, rétablir la vérité des prix la condition essentielle de la guérison.

Vincent Benard

Source: www.abcbource.com

 

 

 

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