Intellectuels pour l\'évolution de la Société

Intellectuels pour l\'évolution de la Société

Sociologie et Sociologues (Théories - Problématiques - Thèmes....)

 

Pierre BOURDIEU

 

Citations:

 

«Le sociologue rompt le cercle enchanté en essayant de faire savoir ce que l'univers du savoir ne veut pas savoir, notamment sur lui-même.»
- Méditations pascaliennes

«Dans beaucoup de choix de la vie, il est difficile de savoir la part de la réaction contre et de l'inclination pour.»
- Extrait du magazine Les Inrockuptibles - Avril 1997

«La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d'une partie très importante de la population.»
- Sur la télévision

Biographie:

 

Etudiant en Philosophie à l' Ecole Normale Supérieure, c'est cependant en tant que sociologue et en tant que fondateur de la revue Actes de la recherche en sciences sociales que Pierre BOURDIEU se fait connaître.

Assistant à la Faculté d'Alger, il devient par la suite directeur d' études à l'EHESS et professeur au Collège de France. Il s'est livré à diverses études, sur la domination masculine, le statut de l'art, la faillite du système éducatif système dans son rôle d'ascenseur social, la persistance des inégalités, les dérives médiatiques...

Homme de conviction, son travail de recherche se double d'une action militante sur le terrain. Il est de tous les combats, en premier lieu celui de l'indépendance algérienne.

Bourdieu a certes considérablement marqué sa discipline, mais avec son décès, c'est la disparition de l'un des rares intellectuels engagés et humanistes de la fin du XXème siècle qui émeut la France.

 

Articles de Pierre BOURDIEU

 

* Sociologie et Démocratie

 

Source: www.hommemoderne.org

 

J'ai la conviction, comme tout chercheur, que la sociologie peut contribuer à une action politique réellement démocratique, à un gouvernement de tous les citoyens propre à assurer le bonheur de tous les citoyens.

Cette conviction, je voudrais essayer de la faire partager, - même si c'est un peu présumer de mes forces et surtout sous-estimer les obstacles et les résistances, inévitables, que la sociologie connaît bien, à la réception de la sociologie. 
  
pointg.gif (57 octets) On ne peut plus poser la question de la démocratie, aujourd'hui, sans prendre en compte le fait que les sciences sociales sont présentes, souvent sous des formes plus ou moins dépravées, dans la réalité sociale elle-même. Il ne se passe pas de jour sans que l'économie et les économistes ne soient invoqués pour justifier des décisions de gouvernement.

La sociologie est moins souvent mise à contribution, et c'est seulement devant les situations de crise, devant les problèmes dits (comme si tous les autres ne l'étaient pas...), tel, aujourd'hui, le problème de l'université ou la question dite des "banlieues", que l'on fait appel au sociologue, notamment dans les médias.   

 

pointg.gif (57 octets) Une politique réellement démocratique se trouve placée devant la forme moderne d'une très vieille alternative, celle du philosophe roi (ou du despote éclairé) et du démagogue, ou, si l'on préfère, l'alternative de l'arrogance technocratique qui prétend faire le bonheur des hommes sans eux ou même malgré eux et de la démission démagogique qui accepte telle quelle la sanction de la demande, qu'elle se manifeste à travers les enquêtes de marché, les scores de l'audimat ou les cotes de popularité. Une politique réellement démocratique doit s'efforcer d'échapper à cette alternative. Je n'insisterai pas sur les conséquences de l'erreur technocratique, qui se commet plutôt au nom de l'économie.

 Il faudrait détailler les coûts, non seulement sociaux, notamment en souffrances et en violence, mais aussi économiques, de toutes les économies que l'on impose au nom d'une définition restreinte, mutilée, de l'économie.

 

Je dirai seulement, pour donner à réfléchir, qu'il y a une loi de conservation de la violence et que si l'on veut faire diminuer véritablement la violence la plus visible, crimes, vols, viols, voire attentats, il faut travailler à réduire globalement la violence qui reste invisible (en tout cas à partir des lieux centraux, ou dominants), celle qui s'exerce au jour le jour, pêle-mêle, dans les familles, les usines, les ateliers, les commissariats, les prisons, ou même les hôpitaux ou les écoles, et qui est le produit de la "violence inerte" des structures économiques et sociales et des mécanismes impitoyables qui contribuent à les reproduire.  

 

pointg.gif (57 octets) Mais je veux insister sur la deuxième branche de l'alternative : l'erreur démagogique. Les progrès de la "technologie sociale" (qu'il faut se garder de confondre avec la "science sociale" à laquelle elle emprunte parfois ses instruments) sont tels que l'on connaît bien la demande apparente, actuelle, ponctuelle, et explicitement déclarée.

 Il existe des techniciens de la doxa, de l'opinion, marchands de sondages d'opinion et d'enquêtes de marché, héritiers contemporains de ceux que Platon appelle, magnifiquement, les doxosophes, savants apparents des apparences.  

 

pointg.gif (57 octets) La science sociale rappelle les limites d'une technique qui, comme le sondage, ne livre que des opinions agrégées, à la manière d'un vote, et qui, à ce titre, peut devenir un instrument rationnel de gestion démagogique, subordonnée aux forces sociales immédiates. Elle fait apparaître qu'une politique qui donne satisfaction à la demande apparente pour s'assurer le succès manque à sa fin propre, qui est de définir des fins conformes à l'intérêt vrai du plus grand nombre, et n'est rien d'autre qu'une forme à peine déguisée de marketing. L'illusion sur la démocratie consiste à oublier qu'il y a des conditions d'accès à l'opinion politique constituée, exprimée : "Opiner, disait Platon, doxazein, c'est parler", c'est porter au niveau du discours. Or, comme chacun sait, nous ne sommes pas tous égaux devant le langage. La probabilité de répondre à une question d'opinion (surtout s'il s'agit d'un problème politique constitué comme tel par le microcosme politique) est très inégale chez les hommes et chez les femmes, les instruits et les incultes, les riches et les pauvres et, par conséquent, l'égalité formelle des citoyens cache une inégalité réelle. La probabilité d'avoir une opinion varie comme la probabilité d'être en mesure de l'imposer, en tant qu'opinion agissante.   

 

pointg.gif (57 octets) La science informe sur les moyens ; elle ne dit rien sur les fins. Mais dès que l'on parle de démocratie, les fins sont clairement posées : il faut travailler à universaliser, c'est-à-dire à démocratiser, les conditions économiques et culturelles de l'accès à l'opinion politique. Ce qui confère une place déterminante à l'éducation, éducation de base et éducation permanente : elle n'est pas seulement une condition d'accès à des postes de travail ou à des positions sociales, elle est la condition majeure de l'accès à l'exercice véritable des droits du citoyen.   

 

pointg.gif (57 octets) Les lois d'airain des appareils politiques qui ont été décrites par les sociologues dits néo-machiaveliens, à savoir celles qui favorisent la concentration du pouvoir de représentation aux mains de quelques-uns, et qui frappent particulièrement les organisations chargées de représenter les plus démunis, ne sont pas, comme le croyaient leurs inventeurs, des lois de la nature : elles reposent sur les lois de production des opinions individuelles que je viens d'énoncer et, comme toutes les lois sociales, elles peuvent être contrecarrées par une action armée de la connaissance de cette loi.   

pointg.gif (57 octets) Mais la sociologie ne se contente pas de contribuer à la critique des illusions sociales qui est une des conditions d'un choix démocratique; elle peut aussi sonder un utopisme réaliste, aussi éloigné d'un volontarisme irresponsable que de la résignation scientiste à l'ordre établi. Elle s'oppose en effet radicalement à la pratique des doxosophes, qu'il s'agisse de la science sans savant des sondeurs d'opinion qui se contentent de proposer aux enquêtés les questions que le microcosme politique se pose à leur propos.

Elle se donne pour projet d'aller au-delà des apparences, et du discours apparent sur les apparences, qu'il s'agisse de celui que produisent les agents eux-mêmes ou de celui, plus spécieux encore, que les doxosophes, sondeurs d'opinion, commentateurs politiques, hommes politiques, produisent à son propos, dans un jeu de miroirs se reflétant eux-mêmes indéfiniment.   

 

pointg.gif (57 octets) La véritable médecine, selon la tradition hippocratique, commence avec la connaissance des maladies invisibles, c'est-à-dire des faits dont le malade ne parle pas, soit qu'il n'en ait pas conscience, soit qu'il oublie de les livrer. Il en va de même d'une science sociale soucieuse de connaître et de comprendre les véritables causes du malaise qui ne s'exprime au grand jour qu'au travers de signes sociaux difficiles à interpréter parce qu'en apparence trop évidents.

 Je pense aux déchaînements de violence gratuite, sur les stades ou ailleurs, aux crimes racistes ou aux succès électoraux des prophètes de malheur, empressés d'exploiter et d'amplifier les expressions les plus primitives de la souffrance morale qui sont engendrés, autant et plus que par la misère et la "violence inerte" des structures économiques et sociales, par toutes les petites misères et les violences douces de l'existence quotidienne.   

 

pointg.gif (57 octets) Pour aller au-delà des manifestations apparentes, il faut évidemment remonter jusqu'aux véritables déterminants économiques et sociaux des innombrables atteintes à la liberté des personnes, à leur légitime aspiration au bonheur et à l'accomplissement de soi, qu'exercent aujourd'hui, non seulement les contraintes impitoyables du marché du travail ou du logement, mais aussi les verdicts du marché scolaire, ou les sanctions ouvertes ou les agressions insidieuses de la vie professionnelle.

Porter à la conscience des mécanismes qui rendent la vie douloureuse, voire invivable, ce n'est pas les neutraliser; porter au jour les contradictions, ce n'est pas les résoudre. Mais, pour si sceptique que l'on puisse être sur l'efficacité sociale du message sociologique, on ne peut tenir pour nul l'effet qu'il peut exercer en permettant au moins à ceux qui souffrent de découvrir la possibilité d'imputer leur souffrance à des causes sociales et de se sentir ainsi disculpés. Ce constat, malgré les apparences, n'a rien de désespérant : ce que le monde social a fait, le monde social peut, armé de ce savoir, le défaire.   

 

pointg.gif (57 octets) Il est clair que la sociologie dérange ; et elle dérange parce qu'elle dévoile, ne se distinguant en rien, en cela, des autres sciences : "il n'est rien que du caché", disait Bachelard. Mais ce caché est d'un type tout à fait particulier : il s'agit souvent d'un secret - que, comme certains secrets de famille, on n'aime pas à voir dévoilé - ou, mieux, d'un refoulé. Notamment lorsqu'il concerne des mécanismes ou des pratiques qui contredisent trop ouvertement le credo démocratique (je pense par exemple aux mécanismes sociaux de la sélection scolaire). C'est ce qui fait que le sociologue qui, au lieu de se contenter d'enregistrer et de ratifier des apparences, fait son travail scientifique de dévoilement, peut avoir l'air de dénoncer.   

 

pointg.gif (57 octets) A ceux qui dénoncent la sociologie sous prétexte qu'elle dénonce répondent ceux qui désespèrent de la sociologie sous prétexte qu'elle désespère... Or la sociologie ne se constate pas d'un constat que l'on juge d'autant plus volontiers déterministe, pessimiste, voire démoralisateur, qu'il est plus profond et plus rigoureux.

Elle peut fournir les moyens réalistes de contrecarrer les tendances immanentes de l'ordre social. Ceux qui crient au déterminisme devraient se rappeler qu'il a fallu s'appuyer sur la connaissance de la loi de la pesanteur pour construire des machines volantes qui permettent de défier efficacement cette loi.

 

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Sociologie de la Culture

 

La Culture

 

Source: www.oboulou.com

 

La culture est un terme vaste. D’après Bourdieu, il y a la culturation, l’acculturation, des sociétés pluri ou multiculturelles, une culture scolaire… C’est un mot pluriel, un terme utilisé par les sociologues, les historiens, les psychologues, utilisé dans toutes les sciences sociales, mais aussi en économie. Ce terme n’est pas propre à la sociologie.


Au sens anthropologique, la culture est un ensemble de pratiques, de croyances qui englobent les pratiques alimentaires des hommes jusqu’à leur religion. Il y a peu d’aspects d’une société qui ne soit pas contenus dans ces différences.


Au sens sociologique, on parle des goûts, la culture du bon goût par Bourdieu par exemple ou encore les arts et leur consommation. La société est composée d’individus d’agrégats d’individus possédants des cultures diverses, des mœurs culturelles différentes. Toute société est pourtant porteuse d’une culture.


La culture est assimilée à la consommation des biens culturels. Une société possédant des biens symboliques doit être comprise dans un cadre historique, sociologique et économique. Les sociologies de l’art, du quotidien, du corps, de la mode, de la science, de la connaissance, des croyances religieuses sont des cultures.

 

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Sociologues

 

Source : www.calamar.univ-ag.fr

 

Marcel MAUSS (1872 - 1950)

 

Neveu de Durkheim qui est son aîné de 13 ans, il est aussi son plus proche collaborateur. Il dirige l’année sociologique 2ème série après la mort de son fondateur.

 

Mauss se spécialise en ethnologie et histoire des religions. Même s’il n’a jamais d’étude de terrain, il est le fondateur incontesté de l’école française d’ethnologie (aux côtés des folkloristes – Van Gennep).

Il crée l’institut français de sociologie en 1924, où il forme la plupart des grands ethnologues français (Louis Dumont, Jacques Soustelle, Marcel Griaule, Claude Lévi-Strauss…).


L’un de ses principaux apports est le concept de "fait social total", c’est-à-dire qui met en jeu la totalité de la société et de ses institutions. On ne peut comprendre un phénomène social hors de l’ensemble des caractéristiques de la culture concernée. Ses travaux sur les techniques du corps en sont une illustration : il y montre que chaque société attribue un sens profond aux pratiques les plus anodines comme la marche, la nage, la course, la respiration…


C’est pour cela qu’il se distingue fondamentalement, d’un point de vue méthodologique, de Durkheim dans la mesure où il considère que pour comprendre un phénomène dans sa globalité, il faut l’appréhender du dehors comme une chose, mais aussi du dedans comme une réalité vécue. C’est la différence fondamentale entre les méthodes et notamment entre la sociologie et l’anthropologie.

 

MAX WEBER (1864 - 1920) : une sociologie de l’action sociale

 

Pour Weber, la sociologie est une science de l’action sociale. A la différence de Marx et de Durkheim, il s’agit moins de comprendre chez Weber la société et ses institutions que d’analyser, à un niveau microsociologique, les actions individuelles ou les formes de relation interindividuelles. Même s’il faut se garder de toute simplification de type Weber - individualiste - Durkheim - Marx - holistes, il est certain que la sociologie Wébérienne donne une place importante à l’individu.


"La sociologie ne peut procéder que des actions d’un, de quelques ou de nombreux individus séparés. C’est pourquoi elle se doit d’adopter des méthodes strictement individuelles"
Dans cette conception, le sociologue doit comprendre les intentions que les individus donnent à leurs actions, lesquelles, compte tenu des contraintes de la situation, constituent le tout social singulier étudié.
En cela on peut comprendre la différence avec la conception marxienne. A la rigidité héréditaire (reproduction des classes et de la structure) envisagée par Marx, s’oppose selon Weber la fluidité de la société où rien n’est jamais totalement écrit d’avance. "Un changement est aisément possible".

 

Il aborde une démarche à trois niveaux :

  1. Compréhensive : La compréhension des phénomènes sociaux est immédiate. Le chercheur doit se placer du point de vue de l’acteur pour comprendre le sens subjectif qu’il donne à son action = comprendre, interpréter, expliquer.
  2. Historique : Le sociologue doit faire œuvre d’historien, c’est-à-dire qu’au-delà de reconstituer conceptuellement les institutions sociales et leur fonctionnement (recherche du général), il doit faire le récit de ce que l’on ne verra jamais deux fois (recherche du singulier).
  3. Culturelle : On ne peut comprendre les actions humaines hors de leur système de croyances et de valeurs. Il s’agit d’expliquer ce que les hommes ont créé (institutions, religions, théories scientifiques), ce qui est impossible sans références aux valeurs qui les ont guidés.

Attention : cela pose le problème de l’objectivité du savant. Weber distingue :

  • Le jugement de valeur qui est personnel et subjectif et donc à exclure.
  • Le rapport aux valeurs, que l’observateur peut choisir de sélectionner parmi d’autres éléments de la situation qu’il étudie. Ex : le sociologue prend en compte la liberté politique (domaine des valeurs), mais cette valeur ne l’intéresse pas en elle-même, mais en ce qu’elle a constitué un enjeu qui a mobilisé les hommes dans la société observée.

De plus, il construit un outil théorique qu’il nomme idéal-type, comme modèle d’intelligibilité des phénomènes observés. C’est une reconstruction stylisée de la réalité. Par exemple, la bureaucratie est un idél-type, une forme pure dont on ne rencontre jamais aucun exemplaire dans la réalité, mais qui permet de cerner les tendances propres à cette organisation.


"On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. Le travail historique aura pour tâche de déterminer dans chaque cas particulier combien la réalité se rapproche ou s’écarte de ce tableau idéal. Appliqué avec prudence, ce concept rend le service spécifique qu’on en attend au profit de la recherche et de la clarté" (M.Weber, essai sur la théorie de la science, 1918, Plon, 1959, pp. 179-181).

 

 

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Terminologie

 

Source : www.calamar.univ-ag.fr

 

          Pour aborder la sociologie, il faut la replacer dans un corpus de termes scientifiques que l’on retrouve dans toutes les sciences.

 

Epistémè (grec) :

science. En philosophie, ce terme signifie la configuration du savoir rendant possible les différentes formes de sciences à une époque donnée.

Epistémologie :

étudie les sciences. Etudie l’histoire, les méthodes ou les principes des sciences.

Science (latin) :

ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissants à des lois. Connaissances vérifiées par des méthodes expérimentales.

Expérimentation :

soumission à des expériences ou à un certain nombre d’essais pour étudier un phénomène.

Sciences humaines :

renvoient à des disciplines ayant pour objet l’homme et ses comportements individuels et collectifs, passées et présents.

Concept :

représentation intellectuelle d’un objet conçu par l’esprit.

Notion :

conception élémentaire que l’on a de quelque chose. Conception de base.

  

.............A suivre 

 

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Le Fait social

 

(1)

 

Source : www.encyclopédieuniversalis.com

 

Dans son ambition de fonder une science du social capable d'égaler les sciences de la nature, Émile Durkheim (1858-1917) imagina le concept de fait social, qui devait devenir l'unité de base de ses constructions théoriques. Il s'agit, dans son esprit, d'un fait de nature semblable à celle des faits physiques ou biologiques, avec pour première caractéristique de n'être porteur d'aucune valeur aux yeux de ses observateurs. Le fait social est neutre par définition, comme l'est un jeu de forces dans un système mécanique, ou la fécondation d'une plante par un insecte porteur de pollen.

 

Les attributs du fait social

 

Le fait social possède comme attributs fondamentaux la contrainte, l'extériorité et l'inévitabilité. Contrainte : les individus sont amenés à se soumettre à son existence, comme ils doivent se soumettre à celle de la pesanteur ou de la composition de l'air. Extériorité […]

 

(2)

 

Source : www.wikipedia.com

 

Le fait social est l'objet d'étude de la sociologie  selon Durkheim. Il décrit tous les phénomènes, tous les comportements, toutes les représentations idéologiques, religieuses, esthétiques qui répondent à ces quatre critères:

 

-Le premier critère est celui de la généralité : un fait social est par définition marqué d'une certaine fréquence dans une population, à un endroit et à un moment. A court terme, les mesures qui en sont effectuées doivent être constantes sur le plan collectif. Mais de manière générale, elles varient selon les sociétés et les époques.

 

-Le deuxième caractère est celui de l'extériorité : le fait social est extérieur aux individus ; il ne se situe pas dans la sphère individuelle mais dans la sphère collective, la sphère sociale. C'est-à-dire qu'il n'est pas né avec l'individu et ne mourra pas avec lui ; il transcende l'individu. L'individu ne perçoit pas naturellement les faits sociaux qu'il rencontre, en dehors des stéréotypes qui sont couramment véhiculés.

 

-La troisième caractéristique du fait social est son pouvoir coercitif : le fait social s'impose aux individus, il ne résulte pas d'un choix individuel mais il est le fruit d'une combinaison de différents facteurs sociaux, économiques, historiques, géographiques, politiques... Cette combinaison impose des contraintes à l'individu, par exemple : il est tenu à avoir tel comportement dans telle situation et à respecter les règles de la convenance. Cependant, on remarquera que si le fait social est bien intériorisé, l'individu ne ressent plus ces obligations comme pénibles, voire les estime naturelles. Le caractère contraignant se manifeste surtout par la sanction qui y est associée en cas d'infraction. On distingue plusieurs ordres de contraintes: au niveau de la nation, de la société tout entière, elle se manifeste par le droit et s'accompagne de sanctions officielles (paiement des prélèvements obligatoires, sanctions juridiques, en matière pénale ou civile...). Au niveau des groupes partiels (milieu familial, professionnel, religieux, politique, groupe d'affinité...), la contrainte s'appuie sur des règles plus informelles (coutume, tradition, mœurs locaux...), et les associe à des sanctions plus diffuses (ridicule, désapprobation collectives..., avec dans le pire des cas persécution et exclusion).

 

-Le quatrième critère est le critère historique. Pour qu'un fait devienne social il faut qu'il se généralise et donc un fait divers nouveau ne peut être social avant une certaine période. Exemple : les jeans étaient avant (à peine ils eurent été inventés) portés par les chercheurs d'or avant d'être aujourd'hui un fait social porté par "tout le monde".

Selon Durkheim, le fait social dans une société est donc un phénomène suffisamment fréquent pour être dit régulier et suffisamment étendu pour être qualifié de collectif, qui est au-dessus des consciences individuelles et qui les contraint. Cette définition purement théorique fut une révolution pour l'époque. En effet le concept du fait social proposa une méthodologie empirique posant un regard nouveau sur la société et permit d'étudier une certaine catégorie de fait humain, les faits sociaux.

Ils consistent en toute manière d'agir, de penser, de sentir, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure; et, qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau individuel.

 

I. Qu'est-ce qu'un fait social?

 

Source : PDF/Le Fait social dans la sociologie d’Emile Durkheim

 

On retrouve une présentation claire du fait social dans un chapitre qui lui est consacré au sein du livre d'Émile Durkheim s'intitulant Règles de la méthode sociologiques. Alors qu'il présente, comme son nom l'indique, la méthode sociologique, Durkheim veut avant tout préciser ce qu'est un fait social.

 

Tout d'abord, nous précise l'auteur, il ne s'agit pas simplement d'un phénomène qui aurait lieu au sein de la société, sous quel cas sinon il n'y aurait pas beaucoup de faits qui ne seraient pas sociaux (Que je le veuille ou non, ma vie est entièrement rythmée par la société dans laquelle je vis)!

 

Ainsi Durkheim se fait-il plus précis. Il existe une certaine classe de phénomènes qui sont extérieurs à l'individu, qui le précèdent pour ainsi dire (il naît après eux), et qui s'imposent à lui de l'extérieur. On pourrait prendre pour exemple la langue dans laquelle je m'exprime, les pratiques suivies par ma profession, les règles du droit, la morale même, les conventions, la mode (…) sont tout autant de faits qui s'imposent à moi, qui ne dépendent par réellement de moi, qui me précèdent.

 

Parce qu'ils ne dépendent pas de l'individu, du sujet, parce qu'ils ne sont pas subjectifs, alors ils sont objectifs, extérieurs à moi.

 

Or: « si, en m'habillant, je ne tiens aucun compte des usages suivis dans mon pays et dans ma classe, le rire que je provoque, l'éloignement où l'on me tient, produisent, quoique d'une manière plus atténuée, les mêmes effets qu'une peine proprement dite ».

 

Les faits sociaux sont donc contraignants. Ainsi, les faits sociaux sont des manières d'agir, de penser, de percevoir même, extérieures à l'individu, et qui s'imposent à lui comme un impératif, qui ont un « pouvoir coercitif ».

Il revient à la sociologie d'en faire l'étude: les faits sociaux sont son objet.

 

 

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Sociétés musulmanes et modernité

  

Entrevue avec Burhan Ghalioun

Source : site internet / Revue "Relations"

 

 

 

 

D’aucuns voudraient opposer l’islam, porteur d’une conception archaïque et totalitaire du monde, à la modernité où dominent la sécularisation et l’autonomie du politique, jusqu’à en faire un choc des civilisations. C’est méconnaître les processus historiques, mais surtout, la pluralité des courants de pensée qui traversent l’islam, en réduisant celui-ci à un modèle traditionaliste qui s’est imposé grâce au concours des puissances coloniales. Burhan Ghalioun, directeur du Centre d’études de l’Orient contemporain, professeur de civilisation arabe à l’Université Paris-III et auteur de Islam et politique : la modernité trahie (La Découverte, 1997), a bien voulu s’entretenir avec nous de cette question.


Relations : L’islamisme qui occupe souvent la scène médiatique risque d’occulter le fait que l’islam est pluriel et qu’il noue des rapports avec la modernité. Selon vous, comment islam et modernité se conjuguent-ils aujourd’hui?

 

Burhan Quand on évoque l’islam, on pense souvent à une culture globale, à une religion et à un système de valeurs qui forment la conscience des musulmans et déterminent leur rapport à la modernité. Ce faisant, on considère la modernité comme une culture autre, on met alors islam et occident face à face. Cette manière de penser conduit à une impasse. D’une part, l’islam n’est pas cette culture qui engloberait tous les champs des activités intellectuelles et politiques à l’origine. D’autre part, la modernité n’est pas une culture ou un système de valeurs. La modernité c’est l’histoire. Elle n’est pas l’expression ou la manifestation d’une culture, mais les multiples ruptures que les cultures ont subies, subissent et subiront du fait des innovations, des rénovations, de transformations scientifiques, techniques, politiques, sociales et économiques ininterrompues qui forment l’histoire des hommes et des sociétés.

 

Ce qui caractérise la modernité, c’est l’autonomie de chaque champ d’activité humaine : le politique, la science, la raison, le spirituel sont séparés au point que dans chacun des domaines, une autorité différente fait référence. Il n’y a donc plus une seule référence, mais plusieurs. À l’inverse, dans la culture médiévale qui est une culture archaïque, cette séparation des divers champs ne s’est pas encore opérée. La religion joue encore le rôle de référence générale faisant l’unité des divers champs de l’activité humaine.

L’islam, en tant que religion et communauté, n’est pas en dehors de l’histoire. Il est transformé quotidiennement par cette histoire nouvelle qu’est la modernité faite de ruptures et d’innovations. Je ne pense pas que ce soit l’islam – même mal perçu – qui détermine le comportement des musulmans vis-à-vis de la modernité, mais ce sont les modalités de l’entrée dans la modernité des sociétés musulmanes qui déterminent l’interprétation que les musulmans font de leur propre religion.

 

L’islam est en crise à cause de l’impact de la modernité qui détermine les comportements, les aspirations et les systèmes de valeurs des musulmans avant même d’influencer leur interprétation de la religion. C’est ainsi que l’on peut comprendre le déchirement de la conscience musulmane aujourd’hui. Si l’on veut parler des divers courants de l’islam, il faut d’abord repérer les différents modèles d’intégration dans la modernité vécus dans les pays musulmans pour comprendre les différentes interprétations de l’islam qu’en font les sociétés, les groupes sociaux, etc.

Dans un pays comme la Turquie, où la modernité semble relativement achevée, l’islam s’est sécularisé. Les musulmans ont accepté la règle du jeu de la sécularisation, de la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir politique. Ils ont trouvé un modèle cohérent.

Par contre, il n’y a pas de commune mesure entre l’islam turc et l’islam afghan, quelles que soient les catégories sociales ou les niveaux d’éducation des personnes. L’islam en Afghanistan est encore la référence unique de toute la société, dans tous les domaines : politique, éducation, morale, philosophie, imagination, économie. L’Afghanistan vit presque en marge de la modernité. Il n’a pas réussi à mettre en place un système moderne qui répond aux besoins des sociétés modernes. C’est le cas également du Yémen. On se trouve face à une conception archaïque de l’islam, indépendamment des tendances modérées ou radicales.

 

Dans les sociétés musulmanes marquées par la modernité, les musulmans arrivent à reconnaître l’autonomie du champ politique et celle du champ spirituel. Ils vivent un islam pas très différent du christianisme tel qu’il est vécu dans les sociétés modernes. Ils développent une expérience religieuse fondée sur l’expérience et l’interprétation personnelles. Ils sont à la fois modernes et musulmans. Ce n’est pas un schéma culturel islamique qui dicte leur rapport à la modernité, c’est leur rapport à la modernité qui leur impose une réinterprétation de l’islam pour vivre leur histoire.

 

 

Rel. : En quoi la modernité conduit-elle à une réinterprétation de l’islam?

 

B. G. : La modernité s’est imposée aux sociétés, aux États, comme aux individus, qui ont été obligés, pour continuer à vivre, d’assimiler les nouveaux modes d’organisation, les innovations, les inventions nouvelles qui se diffusent en permanence. Pour s’adapter à ce nouveau contexte, il a fallu réviser les paramètres intellectuels. Le premier courant de réflexion islamique qui a émergé depuis le milieu du XIX e siècle a été le courant moderniste islamique. Il a fait une critique radicale de toute la pensée classique pour mettre la pensée musulmane en harmonie avec la pensée moderne.

Ce fut le travail des réformistes musulmans : Jamal Al-Dîn Al-Afghani (1839-1897) en Iran, Muhammad Abdû (1849-1905) en Égypte, etc. Ils se sont rendu compte que pour faire face à la montée en puissance de l’Europe moderne, ils devaient adopter ses formes de savoir et d’organisation. C’est ainsi que les musulmans ont transformé leur propre pensée séculière et réduit l’espace de la référence religieuse au seul domaine religieux. Ils ont eux-mêmes opéré cette séparation. Cette nouvelle culture n’était certes pas encore laïque dans le sens actuel puisqu’elle s’appuyait sur la référence religieuse pour légitimer l’interprétation moderniste de l’islam. Certains d’entre eux allaient jusqu’à affirmer que l’islam est une religion par essence laïque et rationaliste, puisqu’il ne reconnaît pas de magistère.

 

Cette modernisation de la pensée relevait davantage de la sécularisation qui s’identifie alors à l’acceptation d’un nouveau mode de rationalité et d’un changement de registre pour les valeurs de liberté, de justice, d’équité et d’humanisme. La culture traditionnelle, profondément marquée par le religieux, a cédé comme partout ailleurs. Aujourd’hui, plus que jamais, l’islam est un culte qui ne se confond ni avec la nation, ni avec l’État, ni avec la civilisation, ni avec une idéologie politique.

Même si les pouvoirs sont séparés, la dimension sociale de la religion reste très forte dans les sociétés musulmanes où l’État n’investit pas nécessairement dans la redistribution de la richesse.

 

La modernité qui s’est développée dans ces pays a revêtu des formes instrumentales et mécaniques qui n’ont pas développé une conscience morale ou éthique de la solidarité – comme ce fut le cas des pays européens, où des mouvements sociaux et ouvriers ont forgé une véritable culture de solidarité, au moins au niveau des classes populaires. Dans les pays musulmans, les sources de l’entraide et de la solidarité sont davantage religieuses. Mais les pouvoirs politiques arabes contrôlent très étroitement les pouvoirs religieux contrairement à ce que l’on pense. Ils achètent même les autorités religieuses et leur dictent la politique religieuse. Même s’il y a une sécularisation dans les sociétés musulmanes, on ne peut pas comparer la place qu’y joue la religion avec celle accordée à la religion dans les pays d’Europe où l’État joue un grand rôle.

 

 

Rel. : Qu’est-ce que les courants islamistes radicaux rejettent de la modernité?

 

B. G. : Les islamistes, une minorité qui ne représente pas l’ensemble des musulmans, rejettent l’ensemble de l’expérience qui a obligé les musulmans, même inconsciemment, à séparer les divers champs de l’activité humaine, pour refaire de l’islam cette référence globale de toute activité humaine. Ils posent ainsi non seulement problème à l’Occident mais également aux sociétés musulmanes elles-mêmes. Ils s’opposent à l’expérience générale de plus en plus affirmée d’une religion transformée en expérience personnelle dans un contexte de sécularisation de fait.

Mais la clé de l’islamisme n’est pas à chercher dans l’islam. L’islamisme n’est qu’un sous-produit de la modernité qui n’a cessé de façonner et de remodeler l’islam. L’islamisme s’explique par les impasses auxquelles conduit une modernité paradoxale et contradictoire. Même si son système de valeurs incite à l’égalité, la modernité a créé des inégalités et des disparités extraordinaires entre les peuples, les nations, les individus, au sein même des sociétés modernes par le système économique auquel elle est associée et surtout son mode de développement.

 

Lorsqu’il y a échec de la modernité, comme cela a été le cas dans le monde musulman, réapparaît une forme d’interprétation de l’islam, archaïque dans sa conception totalitaire du monde, mais fondamentalement moderne dans ses aspirations à la justice, à l’égalité, par le refus de la domination et de la dépersonnalisation.

L’appel au retour à une conception médiévale de l’islam sert à soulever la population contre une domination extérieure. Mais les islamistes ne reviennent pas à l’islam tel qu’il était au Moyen Âge, avec sa richesse; ils réduisent, au contraire, culture, soufisme, philosophie, mystique à une forme d’idéologie religieuse très primaire.

 Ce sous-produit de la modernité qu’est l’islamisme dévalorise l’islam en en faisant un simple instrument dans un combat qui n’est aucunement lié à la foi, quoi qu’on en dise, mais à un contexte de conflit politique et identitaire. Combat qui manifeste le désespoir et l’échec de l’insertion des islamistes dans la modernité.

 

 

Rel. : La conquête coloniale a renforcé les courants fondamentalistes et traditionalistes, au détriment des courants plus démocratiques, laïques ou socialistes. Peut-on aussi parler, selon vous, d’une instrumentalisation de l’islam par l’Occident?

 

B. G. : Les musulmans ont commencé à retravailler leur culture islamique pour séparer religion et raison depuis le XIX e siècle. C’est ce que l’on a appelé le réformisme musulman ou la renaissance musulmane. Les conquêtes coloniales ont marqué un point de rupture dans l’évolution de ce processus intérieur d’acculturation qui s’est arrêté au profit d’un repli sur des valeurs plus traditionnelles pour faire face à l’invasion extérieure et préserver son identité et son autonomie culturelle. À partir de ce moment-là, la modernité n’a plus été un processus évoluant à l’intérieur des structures culturelles et religieuses des sociétés musulmanes. Elle est devenue une structure à part. Une dichotomie s’est créée qui a engendré un déchirement entre l’aspiration à la modernité et l’attachement à l’autonomie, à l’identité et à l’histoire propre. Cela a marqué profondément ces sociétés.

 

La guerre froide que les médias ont développée ces derniers temps contre l’islam pris comme un camp civilisationnel en opposition à la culture occidentale n’a fait que renforcer cette dichotomie au sein de la conscience musulmane. Elle a créé des impasses que les musulmans sont encore obligés de résoudre et a alimenté l’instrumentalisation de la religion par les musulmans eux-mêmes comme un instrument de renforcement d’identité contre l’Occident.

 

L’instrumentalisation de l’islam par certains groupes occidentaux, des intellectuels et des hommes politiques xénophobes, voire parfois franchement racistes, révèle une stratégie de domination et d’incitation à la haine contre les sociétés musulmanes en vue d’une exclusion par une hégémonie néocoloniale ou impériale. Certains pouvoirs en Occident instrumentalisent l’islamisme pour perpétuer des régimes autoritaires et corrompus.

En même temps, ils mobilisent la population, comme c’est le cas aux États-Unis, contre un terrorisme islamique pour justifier une politique impériale et agressive, non seulement au Moyen Orient où se trouvent les plus grandes réserves d'énergie fossile du monde, mais à l’échelle mondiale. Cela ne peut que faire mal, défavoriser l’évolution des sociétés musulmanes sur le plan de la pensée, de la religion, de la capacité de séparer effectivement politique et religion. Cette instrumentalisation va donc à l’encontre de l’évolution des sociétés musulmanes.

 

 

Rel. : Voyez-vous une issue à cette situation?

 

B. G. : L’histoire montre que les conflits conduisent toujours à des issues. Il y a un travail à faire au sein des sociétés musulmanes : passer du stade de la sécularisation de fait à une sécularisation conceptualisée, assumée. Il faut aussi dépasser l’idée de choc de civilisations et de culture, en pensant que nous sommes dans la même histoire, la même civilisation. Le problème ne vient pas du fait que nous avons des religions ou des cultures différentes, mais du fait que les politiques, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays musulmans, sont incohérentes et produisent beaucoup d’impasses.

 

Il faut repenser le problème du développement du Moyen-Orient et le processus de modernisation de cette région – à la fois matériel, économique, politique et intellectuel –, sinon nous allons vers un affrontement réel entre les extrémistes de part et d’autre.

Il faut absolument rejeter l’idée que les musulmans ne sont pas mûrs pour passer à la démocratie. Ce sont les systèmes autoritaires que les pays industrialisés soutiennent depuis 50 ans qui ont écrasé les mouvements démocratiques et les régimes parlementaires adoptés au départ. La remise en cause des systèmes autoritaires est donc une autre condition nécessaire. Enfin, il faut mettre un terme à cette guerre froide contre l’islam qui fait l’amalgame entre islam et terrorisme.

 

Entrevue réalisée par Anne-Marie Aitken 

Référence : Ghalioun, Burhan, «Sociétés musulmanes et modernité », Relations, janvier 2006 (706), p. 16-18.

 

 

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01/04/2011
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